Des Droits et des Devoirs des femmes 2017
J’ai connu les enfants de cette femme jetée enceinte dans les escaliers et rouée de coups à coup de bouteilles de bière, celle qui fouillait les poubelles pour y trouver des livres d’art, et des objets de décoration, celle qui prenait son vélo pour accompagner quelque soit le temps, son fils chez l’orthophoniste, refoulée par le dentiste par absence de carte, cette femme ravalant son honneur pour aller chercher les colis alimentaires, se tailladant les veines pour échapper à de terribles souvenirs, s’accrochant à son enfant comme ultime bouée de sauvetage et coulant désespérément pourtant.
J’ai connu cette jeune femme qui voulait un bébé à tout prix, celle qui repoussait les demandes de son frère, jusqu’à quand, et une, autre fille de son grand-père.
Je rencontre ces femmes courage qui, un jour, peuvent commencer à dire, à parler de ce qui s’est passé. De cette violence qui s’est exercée sur leur corps, infiltrée dans leur esprit jusqu’à le figer dans l’oubli. Un oubli de soi pesant et lourd. Un vacarme silencieux qui les réveille la nuit, qu’elle soulage chimiquement, qui déclenche des maladies.
Mais qui est malade dans cette histoire ?
La tristesse est elle une maladie ? La peur est elle une maladie ?
Sont-ce les hommes les fautifs ?
Combien d’hommes ont été élevés par des femmes bafouées ? Combien d’hommes sont partis à la guerre sans revoir leur mère ?
Combien de femmes ont du lutter seules pour se protéger et protéger leur enfant des assauts des mâles trop entreprenants ?
La guerre est un toujours un drame sauf pour les marchands d’armes.
A qui profite le crime des marchands de larmes, qui vendent du souvenir et éteignent la mémoire ?
Sans mémoire, nous courrons le risque de répéter le passé.
Sans paroles, nous courrons le risque de nous y enfermer.
Alors, je tire mon chapeau aux femmes qui prennent le droit et le devoir de parler, de dénoncer sans peur ce qui les opprime, de refuser ce qui est contraire à leur désir. Le droit et le devoir de rire sans raison, de râler sans justification, de chercher à comprendre, de disposer de leur corps et de leur esprit comme bon leur semble. Le droit et le devoir d’aimer les hommes et/ou les femmes comme des amis et comme des amant(e)s, d’éduquer leurs enfants (ou ceux qui leur sont confiés)dans le plaisir d’être enfants, de connaître leur histoire et leur origine, leurs failles et leurs errances.
Parce qu’elles transmettent le droit et le devoir d’être riches de l’empreinte que les autres gravent en nous, ceux de refuser toute forme de compromission au principe de la pleine et entière liberté à disposer de sa vie sans crainte.
Béatrice Constantin-Mora, 8 mars 2017